Artisanat textile, informatique et NASA

Saviez-vous que l’homme n’aurait jamais mis le pied sur la lune sans l’aide d’ouvrières textile ? A première vue, il n’y a pas de rapport entre l’artisanat textile, l’informatique et la NASA. Et pourtant…

L’histoire avec un grand H invisibilise souvent le rôle des femmes. Tricot, couture, crochet… ces activités qui permettent de fabriquer des vêtements, souvent associées aux femmes font partie du travail invisibilisé de la sphère domestique. Et pourtant, figurez-vous que ces activités domestiques et les personnes qui les pratiquent ont souvent eu des rôles importants dans l’histoire. En voici un exemple avec la mission Apollo de la NASA.

Tores de ferrite, NASA et tissage

Les RAM (la mémoire vive ou instantanée) des ordinateurs des années 50 à 75 étaient souvent des mémoires à tore de ferrite. Il s’agit de petits anneaux de ferrite traversés par des fils qui permettaient d’écrire et de lire des informations.

Tores de ferrite et tissage ont un point commun : ils fonctionnent de manière binaire (deux états possibles) :

  • un tore peut être magnétisé dans le sens horaire ou anti-horaire
  • un fil de trame peut être tissé dessus ou dessous le fil de chaîne.

Voila à quoi ressemble les tores de ferrite. On dirait vraiment un métier à tisser.

source : ma petite encyclopédie

Les Little Old Ladies (LOL), les artisanes de l’informatique à la NASA

Une mémoire à tores de ferrite constituait le système de navigation spatiale de la mission Apollo de la NASA. La NASA a donc embauché des ouvrières textiles hautement qualifiées pour tisser cette mémoire. Beaucoup de tisserandes étaient Navajo ou noires. Ces ouvrières sont surnommées les Little Old Ladies ou LOL. Ces femmes avaient un peu la vie des astronautes entre leurs mains… Des rope mothers (mères des cordes) supervisaient leur travail. Margaret Hamilton était la cheffe des rope mothers. Cette ingénieure a conçu le système de navigation embarqué du programme spatial Apollo ! En effet, vu l’enjeu, plusieurs personnes contrôlaient le travail réalisé pour le valider.

Hilda G. Carpenter, une informaticienne artisane

Cependant, la NASA n’est pas la seule à avoir confié ce genre de tâches à des ouvrières textile. Le Lincoln Laboratory du MIT a réalisé le premier plan de tores de mémoire en 1953 et c’est Hilda G. Carpenter alors assistante de laboratoire qui l’a tissé à la main.
Ensuite, le Lincoln Laboratory a octroyé un contrat à IBM pour concevoir les mémoires. La production de mémoires à tores était lente et complexe. De ce fait, en 1965, la production de mémoires à tores est externalisée au Japon et à Taïwan. Là bas, des femmes hautement qualifiées de l’industrie textile tissent à la main les mémoires.

Invisibilisation des LOL

En 1975, un rapport de la NASA sur les missions Apollo s’extasiait sur les systèmes informatiques développés mais négligeait complètement la participation des LOL. Les journalistes de l’époque présentaient la fabrication des mémoire comme un travail ne nécessitant aucune réflexion ni compétence… Pour cette mission Apollo, le rôle de l’artisanat textile est aussi important que celui de l’informatique.

Exploitation des ouvrières textiles et mode éthique

La non reconnaissance du travail, pourtant essentiel de ces ouvrières textile questionne sur la place que l’on accorde aux savoirs faire manuels. Les sciences et l’ingénierie sont souvent mises en avant et encouragées au détriment des métiers manuels.

La majorité de nos vêtements sont fabriqués en Asie. Là bas, les ouvriers et ouvrières textiles sont souvent sous payés et travaillent dans des conditions indignes.

Se renseigner sur la provenance de ses vêtements, s’assurer que les entreprises respectent le droit du travail, choisir des petites séries artisanales plutôt que la fast fashion… Tout cela contribue à une mode plus éthique et durable.